Le retour d’une forêt primaire en Europe
Alors qu’elles ont couvert une grande partie du continent pendant des millions d’années, les forêts primaires ont quasiment totalement disparu d’Europe depuis 1850. Si le développement de l’espèce humaine leur a été fatal, il ne faut pas s’y tromper : ce sont bien nous, les grands perdants de leur disparition. Les restaurer est primordial pour l’avenir de la planète et la protection de la biodiversité. Un pari fou, tant dans son ampleur que dans sa durée, que porte l’Association Francis Hallé, épaulée par Klorane Botanical Foundation.
L’urgence de ne rien faire
Une forêt primaire est une forêt qui n’a été ni défrichée, ni exploitée, ni modifiée de façon quelconque par l’intervention humaine. C’est la Nature dans sa plus pure expression, un modèle d’auto-régulation et un hotspot incomparable de biodiversité. Captation du CO2, régulation du climat, réserve de biodiversité, reconstitution des ressources hydriques… ses bénéfices sont inestimables. Ces forêts étaient la norme jusqu’à l’arrivée de l’Homme il y a 300 000 ans.
La forêt primaire se moque bien de l’échelle de temps humaine : en zone tempérée, il lui faut 1 000 ans à partir d’un sol nu pour se développer. C’est un peu moins en zone tropicale humide, « à peine » 7 siècles. Elles peuvent se recréer à partir de forêts dites secondaires, qui ont subi une intervention humaine, en à peu près 800 ans…à condition de les laisser tranquille.
L’UNEP, le programme des Nations Unies pour l’environnement, estime que 80% des forêts primaires ont été abattues au cours du siècle dernier. Les dernières survivantes se trouvent, pour les zones tropicales, en Amazonie, dans le bassin du Congo et en Asie du Sud-Est, et pour les zones tempérées en Patagonie, en Tasmanie, et en Colombie-Britannique (Canada). Les forêts primaires d’Europe ont, elles, quasiment disparu : ne reste qu’un seul vrai joyau, celle de Białowieża, à cheval sur la Pologne et la Biélorussie.
L’idée folle mais pourtant simple de l’Association Francis Hallé ? Faire renaître une forêt primaire en Europe en laissant 70 000 ha libres de toute intervention humaine. Soit un engagement à ne rien faire pendant au moins 800 ans.
L’art de laisser tranquille
Comment cette renaissance pourrait-elle arriver ? Une fois la zone de forêt secondaire délimitée et protégée, on assistera d’abord à la mort naturelle des arbres pionniers, pins et bouleaux, dont le bois mort enrichira le sol et favorisera la diversité des champignons et des insectes. Ensuite, sans aucune plantation, on verra apparaître les post-pionniers, frênes, tilleuls et érables, qui construiront la forêt avant de vieillir et de disparaître à leur tour ; c’est alors qu’il conviendra d’introduire ceux des grands animaux qui n’ont pas réussi à arriver seuls, ours et bisons d’Europe, qui profiteront des clairières et des premiers chablis. Enfin la place sera occupée par les chênes et les hêtres, et la forêt primaire retrouvée poursuivra sa croissance en hauteur et son enrichissement en plantes et en animaux.
Pendant cette longue période où la forêt évoluera librement et de façon naturelle, tout prélèvement végétal et tout braconnage seront interdits, mais ce trésor en reconstruction devra rester ouvert à une visite régulée, pour servir de support éducatif et d’objet de recherche. L’apport en termes de connaissance scientifique est inestimable.
70 000 ha, soit un peu moins que la superficie de la ville d’Arles, c’est « tout » ce que requiert cette expérimentation vitale et portée par l’Association Francis Hallé. Cette taille critique a été définie pour sa capacité à accueillir un écosystème cohérent et à abriter les grands animaux dans des zones tampon florissantes. Plusieurs régions d’Europe de l’Ouest sont à l’étude, sélectionnées en fonction de critères scientifiques (base forestière, altitude) et pour leur aspect transfrontalier, qui permettrait de garantir un niveau adéquat gouvernance sur des centaines de générations. Le soutien financier de Klorane Botanical Foundation permettra notamment de mener à bien les phases préliminaires essentielles au projet : études de sites potentiels, démarches auprès des institutions, sensibilisation des acteurs publics ou définition des orientations en matière d’évolution de la biodiversité.
C’est un engagement sur un temps inouï, un temps plus naturel qu’humain, un projet pilote multidisciplinaire qui fera intervenir un grand nombre d’acteurs scientifiques, politiques et de la société civile. Un projet quasi civilisationnel par son ampleur, pour tenter de répondre à l’urgence absolue du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, et de réinventer le rapport de nos sociétés à la forêt et aux espaces naturels.
Support pédagogique
Découvrez quatre posters pédagogiques pour animer des séquences sur la forêt naturelle avec de jeunes publics.
Notre partenaire
L’association d’intérêt général « Association FRANCIS HALLÉ pour la forêt primaire », créée en 2019, a pour objectif de favoriser la renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Elle agit pour la création d’un vaste espace de dimension européenne et de grande superficie – environ 70 000 hectares – dans lequel une forêt intacte évoluera de façon autonome, renouvelant et développant sa faune et sa flore sans aucune intervention humaine, et cela sur une période de plusieurs siècles.
Qui est Francis Hallé ?
Botaniste, biologiste et dendrologue de renommée internationale, Francis Hallé a consacré sa carrière à l’écologie des forêts tropicales et à l’architecture de leurs arbres. De sa thèse en 1966 à la création de l’Association pour une forêt primaire en Europe de l’Ouest en 2019, il n’a cessé d’œuvrer pour l’avancement de la connaissance scientifique, la préservation des milieux naturels et la sensibilisation à ces trésors.
